Au moment où Thermidor et son inconcevable interdiction viennent de rappeler à l'attention
publique les faits lugubres de la Terreur.
C'est une actualité que la reproduction du tableau fameux de Mme Moreau de Tours,
" Le Maire de Rennes ".
Sur les objurgations de quelques braillards il vient d'être clairement établi à Paris que
Robespierre était saint tout comme au temps de la fête de l'Etre suprême et que c'était
un sacrilège de parler avec rancune, de la non moins sainte guillotine.
Donc, vivent le suave Robespierre, le délicieux Couthon, l'adorable Saint-Just!
et revenons vite a nos affaires.
La scène que nous offrons est l'une des plus belles, parmi les très belles scènes de la Révolution.
Rennes était divisé par les factions, le parti des nobles et du clergé était très fort ; battu
en brèche sans relâche par les républicains il suscitait à chaque instant de nouvelles émeutes.
Le maire de Rennes, était alors un citoyen au coeur élevé, un patriote plein de dévouement et d'énergie.
Il se nommait Leperdit ( Maire de Rennes en 1794 - 1795 )
Les ennemis de la République ne pouvaient supporter qu'il fût le premier de la ville sa grandeur d'âme
leur faisait trop de tort : comme le peuple manquait de pain, on lui persuada que c'était par la faute du maire.
Une bagarre s'ensuivit pendant laquelle Leperdit fut blessé, il allait être massacré, quand se tournant
tout à coup vers les forcenés qui le poursuivaient, il s'écria :
Puis-je faire du pain avec ces cailloux?
Si mon sang peut vous nourrir, prenez-le jusqu'à la dernière goutte.
Ces superbes paroles produisirent leur effet et l'on vit renaître le calme.
Mme Moreau de Tours a peint cette scène avec un remarquable talent dont il faut la féliciter en même temps
que de la pensée qu'elle a eue de glorifier l'un des héros les plus purs de notre grande Révolution.
