Avec son talent habituel, M. Moreau de Tours a peint la curieuse scène que nous reproduisons.
Deux femmes, belles toutes deux et jeunes, sont adonnées à la terrible passion, l'une est déjà sous l'influence du poison, elle dort ;
l'autre s'apprête à la rejoindre au pays des songes, elle se faît la piqûre de morphine.
Le peintre devrait nous les montrer hâves et flétries telles quelques seront dans quelles mois ; peut-être eût-il ainsi contribué
à la guérison des malheureux qui, dans leur criminelle folie, sont en train de vicier le sang pur de la France .
Le procès Wladimiroff a fait reparler tout récemment de cette abominable fléau du morphinisme.
Il ne nous manquait vraiment plus que cela au moment où l'on constate avec effroi le développement des maladie cérébrales,
où l'on déplore la dépopulation de la France qui nous livrera un jour sans force à nos ennemis.
L'abus de la morphine, c'est le suicide de l'intelligence, et c'est l'impuissance du corps.
Comment cela commence t-il ?
Oh ! mon dieu, c'est bien simple.
On est malade, on souffre des douleurs que l'on n'a pas le courage de supporter, le médecin arrive, on implore sa pitié;
il n'a pas la force de résister ou bien il craint que son client ne s'adresse à un confrère plus complaisant, il fait une
piqûre de morphine. Le malade éprouve un soulagement immédiat et comme une espèce de béatitude.
De ce jour, s'il n'a pas un énorme empire sur lui-même, il est perdu.
Il se procurera l'instrument dont il a vu le docteur se servir; par toutes sortes de ruses, il élucidera les défenses officielles
et se procurera de la morphine, il se piquera lui-même et toujours augmentera les doses jusqu'au jour où il mourra abruti
comme les pires fumeurs d'opium de la chine.
Qui a bu boira, dit-on; qui s'est piqué se piquera. Et pendant ce temps, notre belle race, si vaillante et si forte jadis, s'étiolera.
Extrait : Le Petit Journal , samedi 21 février 1891
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