Moreau de Tours

1848 - 1901







                                                    PICHEGRU

          La vie de Pichegru montre ce que l'ambition éffrénée peut faire du plus brave soldat et de l'homme
   le plus énergique . Pichegru Jean-Charles né à Arbois, le 16 février 1761, de parents pauvres, fut élevé
   par charité au séminaire . Ses rares dispositions le signalèrent à l'attention de ses éducateurs qui
   s'occupèrent de lui, le poussèrent comme on dit, si bien qu'il devint professeur au collège où fut Bonaparte.
   On a raconté même que le futur général avait donné des leçons de mathématiques au futur empereur .
   C'est faux, ils ne se trouvèrent même pas ensemble à Brienne .
   Pichegru eut un instant l'idée d'entrer dans les ordres ; mais la passion des armes l'emporta ; il s'engagea
   et fit parti de la petite armée qui s'en alla avec Lafayette assurer l'indépendance des Etats Unis .
   La Révolution le trouva sergent ; roturier, il ne pouvait pas aspirer à un plus haut grade.
   Mais le nouvel état des choses allait lui permettre de donner un plus libre cours à son énorme ambition .
   De fait, tant qi'il resta fidèle à son devoir, Pichegru fut un homme admirable . Ses campagnes, que nous
    n'avons pas à raconter, lui firent un honneur extrème ; la plus populaire de toutes est celle de Hollande,
   pendant laquelle il eut cette idée célèbre : La flotte Hollandaise était prise dans les glaces du Zuyderzée,
   Pichegru en profita pour faire marcher contre elle sa cavalerie, et la prit d'assaut comme il eut fait d'une
   réunion de fortins . C'est la seule fois qu'on ait vu une bataille navale gagnée par des hussards et des chasseurs à cheval .
   Pichegru revenu à Paris fut l'objet d'honneur extraordinaire, on le proclama le sauveur de la patrie, l'Assemblée l'exposa pendant
   plusieurs heures à l'admiration publique . Tant de gloire aurait dû contenter son ambition, elle ne fit que l'exalter . Peu après Pichegru
   écoutait les propositions des agents de Condé et concluait avec eux un pacte infâme . Moyennant la promesse d'une récompense qu'il
   avait exigée magnifique, il s'unissait aux ennemis de la France, leur offrait son armée et consentait à se faire battre, à sacrifier la vie
   de ses soldats pour assurer la réussite des complices. On devait agir simultanément sur le Rhin en Bretagne et à Paris ; l'échec de Quiberon,
   la découverte du complot à Paris sauvèrent la France. Arrêté, Pichegru est déporté en Guyane, il réussit à s'évader au bout de quelques temps.
   Il séjourne en Allemagne, mais il revient en Angleterre, puis le 16 janvier 1804 il débarque en Normandie, revenus secrètement à Paris où il
   à l'imprudence de se montrer. Ace moment on recherchait les conspirateurs Moreau et Cadoudal ; Pichegru accusé à tort, croyons-nous,
   d'agir avec eux, fut enveloppé dans les poursuites. Il échappa quelques temps aux recherches, mais un jour, par un juste retour, celui qui avait
   trahi fut livré par le traitre Le Blanc pour la somme de cent mille écus . Conduit en prison, il ne voulut pas attendre son son proçès
   et s'étrangla avec sa cravate, le 6 avril 1804 .
   M. Moreau de Tours a représenté avec une grande vigueur de touche ce drame qui termina l'existence d'un homme qui aurait pu être si grand
   et dont la mémoire est excécrée et maudite par tous ceux qui aiment l'honneur et la patrie .