LOUIS POUPART - DAVYL
LOUIS DAVYL

1835 - 1890


C'est un drôle de monde que notre monde! disait Louis Davyl, l'auteur dramatique, mort il y a huit jours.
Un homme de talent et un original, ce grand gaillard robuste, l'air d'un Gaulois avec sa grosse moustache
de brenn, et sa verve gasconne, et ses colères d'Alceste boulevardier. Il en avait tant vu, ce brave garçon
qui, si je ne me trompe, avait voulu se faire moine à vingt ans, avait même porté le froc et, sortant du couvent,
s'était fait imprimeur dut corps législatif, du temps de l'empire, puis dramaturge, puis romancier, puis journaliste...
Il publia des romans et des chroniques dans les journaux ( Le Figaro ) sous le pseudonyme de Pierre Quiroul.
En 1859 avec Jules Vallès, il avait commencé un drame, ( le Neveu de Vautrin ) on réunit, un soir, plusieurs amis
pour leur donner lecture. C'était Louis Davyl qui lisait. Quand un bon mot faisait rire, Vallés soulignait l'effet.
Et quand je pense, disait-il, qu'il ne voulait pas mettre ce mot-là !



Jules Vallès ( 1832 - 1885 )


Il, c'était Davyl. On se brouilla, on se battit même au pistolet. Trois balles furent échangées Vallès eut le lobe
de l'oreille emporté et Davyl eut l'épaule droite cassée
mais il tendit l'autre main à son adversaire et ont resta bons amis. Seulement le drame ne fut pas joué.
Louis Davyl -- qui s'appelait alors Poupart-Davyl en fit d'autres. Des drames à la Dumas père, des pièces
de cape et d'épée, l'un d'une fantaisie charmante :
Le Gascon, l'histoire d'un cadet de Gascogne sauvant Marie-Stuart en Ecosse, comme d'Artagnan sauvait
Anne d'Autriche en France ;
L'autre, très amusant, Coq-Hardy ! où un grand seigneur, accusé de conspiration et sauvé, on sauve beaucoup
dans les drames de cape et d'épée, s'écriait en apprenant la trahison de sa femme :
Ma tète est encore sur mes épaules, mais mon honneur est décapité!
C'est dans, une des répétitions de Coq-Hardy, dont l'action se passait sous Louis XIII, que Louis Davyl aperçut,
sur un décor représentant la terrasse de Saint- Germain, l'aqueduc de Marly se profilant à l'horizon.
Malheureux! dit-il au décorateur, vous voulez donc me déshonorer! L'aqueduc de Marly sous Louis XIII !
Ah! monsieur Davyl, répondit l'autre, Je vous parie cent sous que personne ne s'en apercevra!
Davyl ne paria point. Il eût perdu. Personne ne s'aperçut de l'anachronisme peint.
Ce vaillant garçon laisse à soit actif au succès bicentenaire, la Maitresse légitime, représentée â l'Odéon,
et qui faisait dire au directeur :
La Maitresse! Un bien mauvais titre à causse des familles!
Oui, mais : légitime! légitime! ajoutait Davyl.
Je le connaissais peu. Mais je me rappelle un jour de printemps avoir gravi les sentiers qui grimpent vers Montmartre.
Là-haut, vers la rue Lepic, indiscrètement je regardais, en passant, par-dessus le petit mur d'un jardin,
où un homme à large carrure, coiffé d'un chapeau de paille, contemplait avec l'amour d'un horticulteur et
la placidité d'un homme heureux les premières fleurs de ses pêchers... On eût dit un bon bourgeois retiré,
satisfait et paisible. Non. C'était un lutteur, un souffrant, un polémiste... 11 se consolait des hommes avec ses fleurs.
Je ne crains que la gelée disait-il. Et avec quelle raison! Il avait gelé sur tant d'amitiés depuis que Louis Davyl
avait jeté aux orties le froc de ses vingt ans !




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