Gustave Mathieu

1808 - 1877


Photo prise par Nadar



Gustave Mathieu naquit à Nevers en Septembre 1808.
Poursuivant ses études au collège de la ville ce fut un élève moyen: rêveur de nature;
Il aime bien tourner des poésies latines du meilleur goût, d'où la déduction de son professeur qui voit en lui un poète.
A vingt ans il s'engage dans " la Royale " qu'il quitte pour la marine marchande.
Son tempérament lui ayant fait perdre beaucoup d'argent il essaye " la course " dans le Pacifique.

" Charles Castellani " raconte
Nous connaissions tous la goelette de Mathieu, "l'Alcyon " fine, élégante, rapide; défiant comme il nous
racontait, les poursuites de l'ouragan; et peut-être aussi celles des navires faisant la chasse aux " négriers "
que je soupçonne d'avoir été très connu par Mathieu.
Ah! c'était un type que ce poète gaulois! Je l'entends nous parlant avec enthousiasme des filles "en or " de la
Cordillière des Andes, et je le vois nous dansant la danse des nègres de la Côte de Guinée, danse que j'ai reconnue
depuis à Loango, quand j'accompagnais Marchand dans sa fameuse expédition.
Rentré chez lui, s'obstinant dans une branche où il n'est pas doué, il fait le commerce du bois; tâte le marché
des tableaux; vend des vins de champagne; rédige des prospectus; nouvel échec .

Alors il monte à Paris retrouver ses amis les poètes, dont Pierre Dupont et compose des chansons satiriques et des poèmes.
Ses chansons célébrait surtout le vin, " Jean Raisin, le Triomphe du vin " en 1854 il fonde le "L'Almanach de Jean Raisin "
revue joyeuse et vinicole .

                                                                           

Ses bonnes chansons et ses poésies valent celles de Pierre Dupont, avec une note plus âpre.
Il en est quelques-unes , restées inédites d'autres furent publiées dans un livre paru en 1859 .
    " Chants et Chansons Populaires de la France " .



Avec Poupart- Davyl - Louis Davyl, auteur de la Maîtresse Légitime, qui écrit en 1879 - 1880 dans
le journal   
Le Figaro    sous le pseudonyme de Pierre Quiroul , il publie un article le 24 octobre 1879
dans lequel il nous décrit le " Gustave Mathieu " qu'il à cotoyé de nombreuses années à Bois le Roi .
Il fréquente le " Café de Madrid " un établissement modeste au départ,
mais qui ne tarda pas à devenir un centre où se réunissaient à certaines heures les rédacteurs des
grands journaux républicains de Paris, qui par prudence, n'osant point écrire ce qu'il pensaient sans
que le spectre de la correctionnelle leur apparût, se le disaient entre eux .
Les aristocrates de ses réunions étaient Gambetta, Delescluze, Fonvielle ...etc.

Mathieu était un intime de Paul Arène, le poéte; du grand tragique Sylvain, de Gambetta qu'il tutoyait
et faisait rire aux larmes; auquel je l'entendis dire un jour gaiement en l'abordant au Ministère :
" Eh bien, que fais-tu du " sinistre vieillard " ? Il s'agissait de Thiers, lequel du reste, on sait,
traitait Gambetta de " fou furieux..." etc., etc.

C'est à cette époque qu'il vient habiter Samois.
Sa maison, au bord de Seine existe encore.
Après avoir appartenu au peintre Veyrasat, c'est actuellement l'Hotel beau rivage.
Or Samois, ville d'une très grande importance au Moyen Age, possédait un pont fortifié ( attesté par un plan
de 1460 ) en un lieu stratégique reliant les deux rives de la Seine.
D'abord construit en bois par les Romains, exécuté en pierre III ieme siècle, abandonné depuis l'invasion de 1598,
il n'en restait que des ruines au XIX ieme siècle.
La grande sécheresse de 1864 ayant provoqué la baisse des eaux du fleuve, apparaissaient les bases d'une pile
du pont disparu, pile s'appuyant sur une petite île, propriété du poète.
C'est alors que l'idée du canular naquit dans la tête de notre joyeux drille.
Chez un antiquaire il se rend acquéreur d'une sorte de médaillon en marbre.


Sur l'une des faces se détache vaguement un profil d'homme, usé, ébréché. Cela pouvait ressembler à quelque
chose de romain!
Sans être vu, avec un ami ou deux, il a enterré ce médaillon au pied d'un des piliers du pont de Samois, alors
que les eaux étaient très basses à cette époque de l'année.
Quelques temps plus tard, il annonça qu'il allait faire entreprendre des fouilles.
Les fouilles faites sous la direction de Gustave Mathieu font découvrir dans le lit de la Seine un superbe médaillon
emboîté dans 2 rainures.
La découverte soulève l'enthousiasme des archéologues qui l'ont authentifié.
Certains croient reconnaître le faciès d'un empereur romain, d'autres le profil de Labienus, lieutenant de César
et vainqueur de Camulogène.
Le succès est tel que les Beaux-arts incluent cette pièce en parfaite conservation (!) dans une exposition.
Le journal ( L'Illustration ) même fit un article très documenté.
Les sociétés archéologiques s'en emparèrent, tout le monde s'accordait pour voir là une découverte importante,
mais l'affaire prenait une proportion à laquelle Gustave Mathieu ne s'était pas attendu.
Il prit peur et il avoua que c'était lui qui avait enterré le médaillon.
Comme bien on pense, ni les archéologues, ni les journaux se vantèrent d'avoir été berné par Gustave Mathieu,
et l'on ne parla plus du fameux médaillon.

Dans un article du 17 février 1865 " Le Petit Journal " nous raconte la découverte du médaillon d'une manière différente !



Portrait de Gustave Mathieu
Eau forte sur papier
L 23,5 X 30 cm H
1867
Par Alexandrine Mathieu ( peintre - graveur )

Dans un médaillon ovale orné en haut et en bas
de sarments de vigne et grappes de raisin.
Le personnage est représenté en buste, de face,
Le visage légèrement tourné vers la gauche.
Il porte la moustache et la barbe.
Les épaules sont couvertes d'une écharpe.
Sous le médaillon, un écu sur lequel est représenté
un coq chantant, derrière l'écu, un parchemin sur
lequel est écrit un poème.
Gustave Mathieu est l'oncle d'Alexandrine Mathieu.


En 1871 il vint habiter Bois le Roi, une petite maison de paysan, basse et blanche, sise sur le chemin de la gare,
à l'entrée du bourg.
C'est là qu'il conviait ses amis parisiens, à venir le dimanche, partager à sa table, dans de la vaisselle rustique ,
les mets simples de la campagne et les fruits de son jardin.
La salle à manger de Gustave Mathieu, claire, fraîche, égayée de faïences à fleurs, vit souvent réunis, entre 1860 et 1875,
autour d'une nappe rude qui sentait bon la lessive séchée sur l'herbe, des poètes, des chansonniers et des conteurs
dont les noms devaient durer plus longtemps que celui de leur amphitryon, par exemple, Charles Monselet, Pierre Dupont,
Paul Arène, et un petit Méridional très brun, à la tignasse ébouriffée et à la barbiche sarrasine, qui s'appelait Alphonse Daudet ;
bref, toute une tablée du " Bobino ", le café littéraire à la mode, transportée de la rue de Fleurus à Bois le Roi.

Mathieu a une vigne dans le Nivernais; cette vigne s'appelle le Clos-Pessin, et elle produit vingt tonneaux au plus par année.
Ces vingt tonneaux, je ne dirai pas que Mathieu les boit à lui seul, mais il les place habilement dans les maisons où son
couvert est mis.
Il ne veut entendre parler que du Clos-Pessin, son verre rempli, il le regarde au soleil ou à la bougie .

Le poète de Bois le Roi tenait à pratiquer lui même l'art primordial et sacré du laboureur .
Il cultivait dans son jardin, parmi les plates-bandes de légumes, entre les groseilles, une planche de froment " large à peine
comme un drap de lit ", qu'il appelait " son champ de blé " il le soignait avec amour .
Par exemple , aux jours d'orage - c'est du moins Paul Arène qui l'assure, il s'installait près de son blé, arme d'un vaste parapluie,
pour le garantir de grêle.
Puis, quand les épis étaient murs, il " faisait la moisson ", il coupait le blé avec une faucille, le battait, le vannait.
Il le moulait ensuite, dans un vieux moulin à sel.
Et, de la blanche poussière nourricière soigneusement recueillie, il formait de ses propres mains une miche de pain, une seule
miche, large comme une galette. Il la mettait lui-même au four .
Au soir Mme Mathieu, personne un peu effacée, servait elle-même tout ce monde, elle apportait sur la table la miche dorée,
craquante et chaude.
Alors, religieusement, tel Notre Seigneur au milieu de ses disciples, le bon poète la rompait avec ses invités.
" Un homme, leur disait-il, n'est vraiment heureux que lorsque, au moins une fois l'an, il peut faire son pain soi-même "

Gustave Mathieu avait pour compagne, une femme relativement jeune, qui avait dû être fort jolie, l'incomparable Marguerite,
qu'il a chantée dans ses vers et qu'il avait surnommée " l 'Ange des lessives " .
C'était, ma foi, la meilleure et la plus dévoué des créatures.

Castellani raconte : je me souviens qu'il lui disait quelques instants avant sa mort
  " Ne dis pas aux habitants de Bois le Roi que je suis fou... ça leur ferait trop plaisir ". Puis il ajouta :
A part quelques amis, j'em.... le reste des humains.

Mathieu avait un neveu d'une douzaine d'année, que le ménage avait adopté, il le traînait toujours avec lui, en ville,
à la campagne, à la chasse, à la pêche ; il l'appelait Goule-à-Bonbon .
Ce neveu lui servait parfois de secrétaire.
Mathieu avait horreur d'écrire.
Gustave Mathieu n'était pas seulement poète .
Il avait quelques années durant, publié un almanach qui se vendait beaucoup.
Il faut ajouter que Mathieu avait été marin, et n'était pas tout à fait ignorant en matière de météorologie.
Il avait dormi comme il disait dans sa langue colorée, sous le regard de tous les astres.
Même cet excellent homme, qui n'eùt pas fait de mal à une mouche, aimait assez qu'on le prît pour un corsaire retiré.
Notre homme s'était dit de bonne heure que son nom le prédestinait, qu'il pouvait en somme, tout aussi bien qu'un autre
Mathieu - celui de Liège, celui de Domsbale ou celui de la Drôme - prédire la pluie et le beau temps, le chaud et le froid,
la croissance et la décroissance des jours, en même temps que les levers du soleil et quartiers de lune .
Il s'était donc écrié magnifiquement :
Laensberg, prête-moi ton flambeau,
Ton sextant, ta longue lunette,
Ajoute le bonnet pointu;
Long distillateur de science,
De ta robe ample revêtu,
Je vais chanter le ciel immense...
C'est ainsi que le " Nouvel Almanach de Mathieu de la Nièvre " avait commencé sa carrière , en 1866 .
Pour 10 sous, on put désormais acheter chaque année toute la sagesse rurale de nos pères et de nos grands-pères sous la
forme condensée des vieux dictons campagnards :
Noël au perron, Pâques au tison;
Il n'est si gentil mois d'avril, n'ait son chapeau de grésil :
15 avril, 23 avril, 3 mai, s'il sont beaux, font du vin parfait:
S'il pleut le jour de Saint-Médard, le tiers des biens est au hasard, à moins que la Saint Barnabé ne vienne lui couper le pied :
A la saint Barnabé, la faux au pré:
Eau de saint Jean ôte le vin et ne donne pas le pain :
A saint Jean la pluie , fait noisette pourrie :
La lune est pâle, il pleuvra :
La lune est rouge, il ventera :
La lune est blanche, il fera beau .
Or, comme certains météorologues nos contemporains, chaque fois qu'il annonçait le beau temps, on était sûr qu'il pleuvrait
à verse . Une année, il écrivit même, dans son almanach, qu'il ferait un hiver des plus rigoureux : décembre fut un printemps
et, sur les boulevards, les consommateurs s'asseyaient à la terrasse des cafés .
Gustave Mathieu passa recouvert de trois paletots et la figure cachée dans un cache-nez énorme .
Quel froid ! dit-il .
Demain, la Seine va commencer à charrier .
Ne te donne donc pas tant de mal, lui répondit Pierre Dupont .
L'éditeur de ton almanach n'est pas là .
Charles Castellani le présente comme étant ( grand, fort, gueulard à se faire entendre de Bois le Roi à Chartrettes )
Armand Silvestre le dépeint ainsi:( Chapeau gris sur l'oreille; oeil toujours émerillonné; barbe blanche et fleur à la boutonnière;
Gustave Mathieu est un chansonnier qui avait fait de Bois le Roi son pays d'élection. Il était, avec Charles
Monselet et Olivier Métra, un des fidèles de cette ravissante commune , à l'orée de la Forêt de Fontainebleau.
Élève de Pierre Dupont dont il était l'ami, il a composé de nombreux petits poèmes qui mériteraient d'être tirés de l'oubli.
En voici un qui a peut être inspiré Rostand.
Qui sait ? A moins que ce ne soit un passage du roman de Renard, dont un des auteurs est un prêtre de la Croix en Brie.
Ce poème de Gustave Mathieu " La Légende du Grand Etang "avait sa place tout indiquée dans notre
anthologie briarde .
Il fut aussi un poète démocrate, patriotique et satirique engagé .
Son Chanteclair ou le coq gaulois s'est opposé à l'aigle impérial.
Sa Chasse du Peuple , 1852 est le chant de la République spoliée.



C'est Richard Wallace qui publiera ses oeuvres sous le titre de Parfums, chants, et couleurs, 1873,
un seul volume, mais superbe, l'œuvre de Gustave Mathieu issue pour une grande part de la maison de Bois le Roi
et de la forêt de Fontainebleau , avait été offerte en primeur et au détail aux acheteurs de l'almanach.
Au surplus, ce nivernais devenus Briard, quêtait volontiers auprès de ses amis méridionaux pour achever de remplir
ses petits livres.
C'est ainsi que son almanach pour 1869 donna une des 23 " Lettres de mon Moulin " dues à la collaboration
fraternelle d'Alphonse Daudet et de Paul Arène : " Le Secret de Maître Cornille " .
En feuilletant la collection de ses opuscules aujourd'hui à peu près introuvables, on y découvre, entre autres contributions du
même Paul Arène, une bien curieuse étude sur Frédéric Mistral, datée de 1872 et précédée d'un portrait de l'illustre Maillanais,
beau et fier comme un jeune dieu.
Un peu capitan et un peu commissionnaire en vin; exquis au demeurant.
Poète a ses heures, hâbleur toujours, voici Gustave Mathieu .
Charles Monselet ( dit sur Gustave Mathieu ) sa ressemblance avec Henri 1V est extraordinaire .
Mais on le décrit aussi, comme étant le type du parfait égoïste .
Il ne se montrait aimable que pour les littérateurs et les artistes arrivés :
Avec les débutants il était insolent et grossier
Il y a des haines terribles chez ceux qui, ayant tenté la carrière littéraire ou artistique .
Gustave Mathieu avait du talent, était instruit et cependant il n'arriva qu'à une modeste notoriété .
Il est mort à Bois le Roi le 14 octobre 1877 dans une petite île de la Seine, où il s'était bâti un petit hermitage.
Il fut enterré au cimetière de Bois le Roi . Les obsèques civiles du poète on eu lieu a Bois le Roi.
Toute la population du village, à laquelle s'étaient joints un grand nombre d'artistes et d'hommes de lettres venus de Paris,
assistaient à cette cérémonie, la municipalité dut pourvoir aux frais du monument.
Sur la tombe des discours ont été prononcés par M M .Lecanu, Charles Monselet et Etienne Carjat .

Etienne Carjat, qui publira en 1883 dans son livre " Artiste et Citoyens " un poème dans lequel il nous décrit
la vie du poète dans ses promenades en forêt de Fontainebleau qu'il aimait tant ..

Prosper Marius " pseudo d'Albert Collignon "    ami d'Aimé Perret, fréquentait Bois le Roi, dans son recueil de vers
et poèmes " Ronces et Grattes-Culs ", édité en 1884, inspirés par Rabelais, Ronsard et le poète Gustave Mathieu, une poésie
"
Souvenirs de Bois le Roi " est consacré à Gustave Mathieu,
l'ouvrage est illustré d'un dessin d'Aimé Perret, et de H-C Delpy .

Le monument un énorme grès qu'on a été chercher en forêt de Fontainebleau, domine sa tombe, comportait un médaillon
en terre cuite représentant le poète, qui s'est effrité au fil des jours.
Il était surmonté d'un grand coq en bronze ( son Chanteclair ), qui parait s'égosiller et lancer une note en l'air qui fut volé
en 1980.



Tombe de Gustave Mathieu au cimetière de Bois le Roi en 1877
Il parait que ce farceur de Gustave Mathieu avait demandé que l'on mit ce coq avec cette inscription:
( Quand ce coq chantera Mathieu ressuscitera ).



Tombe de Gustave Mathieu au cimetière de Bois le Roi en 2000