Olivier Métra


1830 - 1889



INAUGURATION

Du

MONUMENT D`OLIVIER MÉTRA

Au cimetière de Bois-le-Roi.

( Par pigeons voyageurs ).

Aujourd'hui jeudi 12 mai 1892 a eu lieu l'inauguration du monument élevé par souscription sur, la tombe du compositeur de talent
que fut Olivier Métra.
L'auteur inoubliable de la Valse des Roses et de tant d'autres chefs d'oeuvre, à juste titre popularisés par une vogue méritée, a demandé,
on le sait, à dormir son dernier sommeil dans le cimetière de la commune de Bois-le-Roi, où il venait durant chaque été se reposer.
Son dernier voeu a été exauce.
Désireux de rendre compte immédiatement de cette solennité artistique, malgré le peu de temps dont nous disposions, nous avons eu,
recours aux pigeons voyageurs de la société colombophile de Fontainebleau. Nous avons rencontré parmi ses membres la meilleure
bonne volonté et tenons à remercier de leur concours utile et empressé MM. Herment et Maréchaux.
La fête dont nous avons à nous occuper a eu lieu en présence des membres du comité de la souscription, du maire et du conseil municipal
de Bois-le-Roi et de tous ceux que des liens amicaux unissaient au compositeur de tant d'oeuvres charmantes qui ont établi à juste titre
le bon renom universel de la musique française dans ses plus agréables et ses plus délicates inspirations.
Nous sommes heureux de joindre notre tribut d'hommages à la mémoire du maitre sympathique pour qui tous les mélomanes ont toujours
professé des sentiments d'affectueuse estime.
Outre un grand nombre de notabilités de la musique et des Beaux-Arts, des membres de la société des compositeurs, qui avaient déja
répondu à l'invitation du comité, la plupart des journaux de Paris étaient représentés, ainsi que la presse des arrondissements de Melun
et de Fontainebleau;
l' Union musicale de Fontainebleau et la fanfare de Bois-le-Roi, dont Métra était le président d'honneur, prêtaient leur gracieux concours
à cette cérémonie.
L'Union musicale, dirigée par M. Dony, qui fit autrefois partie de l'orchestre de Métra, a joué plusieurs pas redoublés pour se rendre au
cimetière, puis la marche funèbre de Chopin et une autre marche funèbre.
De plus, comme hommage au défunt, elle a joué deux de ses compositions les plus heureuses : les Volontaires, marche, et la Vague, valse.
Comme dans toutes les communes déjà anciennes, le cimetière de Bois-le-Roi, sis au milieu du pays, entourait l'église; en outre la mairie
et l'école lui étaient mitoyens, il était donc bien mal placé. On a profité de ce qu'il devenait trop exigu pour le fermer aux sépultures et
assainir ainsi le village.
Un nouveau cimetière a été créé en 1887; en partie caché aux regards par un bouquet d'arbres, il est placé entre Bois-le-Roi et Sermaise,
non loin de la Seine sur les bords de laquelle habitait Métra.
C'est dans ce nouveau cimetière, dont l'aspect n'est pas triste du tout comme l'ancien où l'herbe croit à l'envi, qu'est élevé le monument
inauguré aujourd'hui.
Dès la porte d'entrée par trop monumentale, faite de briques et de rocailles, ornée de torchères sculptées et d'urnes funéraires, on n'éprouve
pas la sensation triste qui vous envahit d'ordinaire en pénétrant dans un cimetière. Devant nous s'est ouverte une belle grille surmontée
d'un disque et de foudres (?)
On voit à droite et à gauche de l'allée centrale, à l'extrémité de laquelle se trouve un Christ sur la croix, des sépultures parfaitement
entretenues , appartenant aux principales familles du pays : Desvignes, Fadin, Paulmier, Tissier, Varly, Létang, Labaume, Caron, Barré,
Peyrotte, Guillemin, Gonin, Berthier, etc.
Au rond point central, à l'angle d'un des quatre grands carrés, s'élève le monument de Métra, dû au ciseau du statuaire " Ludovic Durand " ;
il est entouré de bornes, marquées des deux lettres 0 . M. entrelacées, reliées entre elles par des chaines.
Le monument se compose d'un fût de deux mètres environ, en marbre blanc, au haut duquel se trouve le buste du compositeur.
Cette pyramide surmontant un piédestal, et encastrée dans une haute lyre, porte gravée cette inscription .

A
0. MÉTRA
1830-1889

Monument élevé par souscription.

Au-dessous de l'inscription, deux palmes croisées reposent sur un cahier de musique à moitié déroulé.
Entre l'inscription et le buste une guirlande de roses rappelle le titre d'une des valses inoubliables du maëstro.
La figure de Métra est traitée avec énergie et ressemblante; les yeux un peu caves donnent peut-être une certaine dureté au visage ,
dureté qui disparaitra. quand le marbre , d'un blanc très crû , aura été adouci par la patine du temps.
Le compositeur est en habit, un manteau jeté sur ses épaules.
Le monument fait honneur au talent du sculpteur, M. Ludovic Durand et de l'architecte M. Benoist; il a produit une excellente impression,
nous sommes heureux de le constater, car nous le trouvons très bien réussi et très artistique.
Par un temps superbe, à deux heures trois quarts et devant une très nombreuse assistance, le voile a été soulevé et la statue est apparue à
tous les regards.
L'Union musicale a joué d'abord la marche funèbre de Chopin, puis M. Aurélien Scholl a pris la parole au nom du comité.
Dans son allocution, pleine d'esprit et de coeur, il a rappelé les qualités bien françaises du maëstro .
Ensuite, M. Victorin Joncières, délégué par le ministre de l' Instruction publique a loué le talent du compositeur .
Ont successivement pris la parole MM. Victor Souchon, au nom de la Société des auteurs et compositeurs; Thibault, au nom des musiciens
instrumentistes, très ému devant la tombe de son ancien ami. .
M. Henri Bauër a parlé au nom des amis, de Métra, puis M. Grenet- Dancourt a lu une délicieuse poésie d'Armand Sylvestre ayant pour,
titre " Souvenir à Olivier Métra ".
Enfin, M. Barré, maire de Bois-le-Roi qui a droit à tous les remerciements pour avoir mené à bien le témoignage de reconnaissance d'un pays
que Métra adorait a la prospérité duquel il a contribué, a remercié tous ceux qui lui avaient prêté un si utile concours.
A trois heures et demie les discours se terminaient et l'Union musicale faisait entendre les délicieux accords de La Vague.
Dans un massif de roses au pied du monument étaient déposées deux grandes couronnes en violettes et roses offertes l'une par la Société des
compositeurs et éditeurs, de musique, l'autre par le comité de souscription.
La foule se retirait alors lentement très impressionnée par cette glorification.
Parmi les notabilités présentes, citons :
MM. Victorin Joncières, Aurélien Scholl, Messager, Souchon, Paul Henrion, Delsarte, Grenet-Dancourt, Eugène Baillet, Victor et Gustave Roger,
Paul Robert, nos confrères Roussel, Drosne, Létang, Chiniard, Bureaud-Riofrey, Maurice Bourges, puis MM. Bernard et Molliex, représentant
la Société philharmonique de Fontainebleau; Bois-Glavy, Roche, Simonge, Philippe Gille, Oller, Motu, Thibault, Barré, Louis Noir, Sénéchal,
de Marthold, Henri Bauer, Paul Lordon, Berthold Graivil, Aimé Perret, etc.
A trois heures quarante-cinq minutes, la cérémonie était terminée.
A quatre heures, l'Union musicale, dont la bannière était voilée de crêpe, et la fanfare de Bois-le-Roi sont descendues au bord de la Seine.
Devant la maison de Métra les deux musiques ont joué les Volontaires, Polka - Marche ; une grande assistance les accompagnait.

Abeille 13 mai 1892