Les Croix et Tables en Forêt

Il y a dans la forêt de Fontainebleau, à certains carrefours, des croix qui existent depuis très longtemps.
Une ordonnance royale de 1669 édictait qu'à tout carrefour des grandes routes et chemins royaux de forêt, devait s'élever une croix, poteau ou pyramide avec l'inscription apparente des lieux où conduisaient les chemins qui s'y croisaient. C'est ainsi que près de Bois le Roi existaient : la croix de Vitry sur la route nationale 5, au carrefour avec la route de Bourgogne, la croix de Toulouse, au carrefour de la route de Bourgogne et de la route de Fontainebleau à Fontaine-le-Port, et Belle-Croix sur la route ronde, assez près d'ailleurs de la table du Grand Maître et de la croix du Grand-Veneur. Bien qu'en forêt de Fontainebleau on en compte de nombreuses autres, nous nous intéresseront surtout à ces trois croix puisqu'elles font partie de l'histoire de Bois le Roi.
Toutes ces croix de la forêt furent détruites en 1793 en même temps que l'on débaptisa les carrefours.
C'est sous le premier Empire que l'on commença à les rétablir.



La Croix de Vitry
Erigée en 1598

L'actuelle Croix de Vitry se dresse au bornage de la forêt, à la patte d'oie que forme l'ancienne route
de Bourgogne ( D 136 ) et de la route de Melun ( N 6 ), proche du hameau de Brosles dépendant de la
commune de Bois le Roi.
La première Croix de Vitry fut érigée en 1598 par un membre de la famille de l'Hospital, seigneur de Vitry,
qui était gouverneur de la forêt de Bière et du château de Fontainebleau, après 1595.
C'est d'ailleurs le curé Claude Martin de l'église Saint-Pierre de Bois le Roi qui vint bénir le 4 juin 1679 la seconde Croix de Vitry sise en ces lieux sur la réquisition qui lui en a été faite par Monseigneur le duc de Vitry: Herbet a eu le mérite de retrouver et de publier, le procès verbal de la cérémonie exécutée " dans les formes et manières accoutumées ", avec l'assistance de la plus grande partie des anciens habitants de la dite paroisse et officiers de la forêt de Bière".
( Le duc de Vitry dont il est ici question est François-Marie de L'Hospital, duc de Châteauvillain et de Vitry, fils de Nicolas de L'Hospital, assassin de Concini, Maréchal de France, créé duc et pair de France par Louis XIII. Elle fut aussi détruite en 1793 et réedifiée comme Belle-Croix en 1827. Refaite au XIXiéme siècle en bois, la croix parait un peu grêle par rapport a son socle.
Le 5 juin 1996, après un terrible accident, frappée de plein fouet par un camion la croix devait rendre l'âme :
son socle, la colonne, s'ouvrirent en deux, heureusement le chapiteau historique demeura intact. M.Jean Prigent, garde forestier de l'ONF, aura vraiment tout fait pour que la croix soit restauré dans les règles de l'art. Un bloc de grès du socle a du être remplacé, une société spécialisée dans la réfection des monuments historiques la remise
à l'identique.



La Croix de Toulouse
Erigée en 1725

La croix de Toulouse fut érigée en 1725, à un carrefour qui était surtout un rendez-vous de chasse. Louis XV alors régnant, aimait beaucoup son grand-oncle, le comte de Toulouse ( 1678-1737 ), amiral de France et Grand veneur, fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan et fit construire cette croix en son honneur. Il alla même jusqu'à donner à cette fin une colonne de marbre du château. La croix fut bénie par l'abbé Leroy, curé de Bois le Roi le 8 mai 1785, au cours de la procession des rogations.
De très importants travaux d'aménagement furent faits sous la direction du grand maître de Chessac en 1787,
à la demande de Louis XVI, afin ( d'élargir le carrefour de la Croix de Toulouse et de le rendre propre à un rendez-vous de la Saint-Hubert ). l'on y planta 460 pieds d'ormes sur deux rangs, en y comprenant les deux lignes de plantations, de 150 toises chacune, situées le long de ( l'ancien chemin de Bourgogne ) actuel D 138.
Comme les autres, elle est détruite en 1793.
La Croix de Toulouse que nous voyons sur cette carte postale et qui subsiste au même lieu de nos jours , est une
( pyramide ) qui fut dressée sans doute au début de l'Empire, car elle apparait sur la Carte des Chasses
de 1809.
Les cartes postales comme la presse du temps montrent que le carrefour de la Croix de Toulouse n'avait rien perdu à la Belle époque de sa vocation de rendez-vous de chasse.



Belle-Croix
Autrefois ( Croix Tappereau )
Erigée en 1304

La plus ancienne croix de la forêt est Belle-Croix, autrefois croix ( Tapereau ). Les Tapereau étaient des gens de robe de Melun qui avait acheté à Saint-Louis la terre de Bois le Roi. Ils firent ériger en 1304 une croix sur la route Ronde qui fut remplacer en 1504 par une autre croix que l'on trouvait si belle qu'on l'appela Belle-Croix, nom qui lui est resté. La croix Tapereau fut détruite en 1793 et réedifiée en bois en 1827.
Elle fut abattue par la tempête en décembre 1911. Brisée au ras du sol, elle fut reconstruite au mois de mars 1913. Elle a été restaurée il y a quelques année par les soins de l'Office National des Forêts.



La Table du Roi
Reconstruite en 1723

L'origine de la Table du Roi est inconnue, elle est certainement très ancienne. La Table actuelle fut construite en 1723 et les pieds ont été brisés pendant la révolution et reconstruite en 1854.
Cette table servait une fois par an. C'est là qu'on apportait les redevances aux gardes de la Forêt réunis dans un grand banquet.
Monsieur l'Abbé Guilbert, dans sa description historique , ( Bourgs et Forêt de Fontainebleau parle en ces termes de la Table du Roi:
" Le lieu de la Table du Roy sur le bord de cette forêt du coté de Melun est un des endroits que l'on doit aller
visiter le premier de May de chaque année à cause des hommages qui y sont reçus par le Maître particulier et autres officiers des Eaux et Forêt qui s'y assemblent au nom du Roy autour d'une grande table de pierre à laquelle se doivent trouver sous peine d'amende quelques usagers de la Forêt qui y sont appelés à tour de rôle pour rendre hommage et payer leur redevance comme il s'ensuit :
L'abbesse du Lys près de Melun , ou quelqu'un de sa part, un jambon cuit et deux bouteilles de vin.
Le meunieur du Moulin des Poignes du Faubourg de Saint Liesne à Melun, un jambon et deux bouteilles de vin
( ce moulin appartient au Roi ).
Le boulanger du Four à ban du Roy de la ville de Melun un grand gâteau.
Les habitants du faubourg des Carmes et un canton appelé le Petit Clos de la paroisse de St-Ambroise de Melun
cinq deniers pour chaque feu.
Les pêcheurs ayant pêcherie sur le Loing et la Seine, dans l'étendue de la maitrise de Fontainebleau, tenus de porter chacun un plat du poisson le plus beau:
D'après les registres du greffe de la maitrise, ils étaient près d'une centaine à la veille de la révolution.
Le maitre des hautes oeuvres de Melun, un grand gâteau et deux deniers.
Enfin chaque nouveau marié et les nouveaux habitants du dit canton appelé Petit Clos un gâteau et cinq deniers.
Cette cérémonie donnait lieu à une fête et on dansait jusqu'à la nuit tombée. Nul doute que les habitants de Bois le Roi, voisins les plus proches de ce lieu étaient nombreux à s'y rendre.
La dernière de ces fêtes eut lieu vraisemblablement le 1 er Mai 1789.
Les cartes postales nous la montrent, au coeur du carrefour qui porte son nom, à l'abri de beaux ormes dont l'un s'orne d'une loupe monstrueuse.
Les arbres disparurent les premiers, puis en septembre 1950 les Eaux et Forêts installèrent la Table et les bornes qui la protègent, dans l'axe de le route d'Oran, à quelques dizaines de mètres de son emplacement initial, mais toujours au même carrefour.



La Table du Grand Maitre
Construite en 1723

En 1723, la Grand Maitre des eaux et forêt le sieur M.de La Faluère fit, nous dit M. l'abbé Guilbert , " couper
une très haute montagne qui bornait totalement la vue et on y a dréssé une esplanade élevée, qui du milieu
de plusieurs allées d'arbres taillés en éventail fit une découverte de dix lieux dans le pays de Brie ".
La Table qui à donné son nom à cet endroit y a été posée dans le même temps par le Grand Maître des eaux
et forêts.
Il nous faut raconter le drame qui se joua le 21 avril 1814 sur cette table même relaté dans le journal " les Nouvelles Littéraires " du 21 mars 1936.
" Fin février 1814, l'armée française occupe toute la forêt que Napoléon a repris aux Cosaques et aux Autrichiens. Mais la trahison de Marmont, la propagande des agents royalistes, les fausses nouvelles font qu'il
y a des désertions par centaines. C'est la fin et tout le monde connaît l'histoire des adieux de Fontainebleau.
La pointe de la Table du Grand Maître est occupe par un groupe d'une centaine d'hommes commandé par un capitaine dont le nom est malheureusement inconnu.
Un émissaire lui apporta l'ordre de l'Etat-Major de se démettre de son commandement et de se présenter le 21 avril 1814 au Palais de FONTAINEBLEAU; mais cet émissaire lui apprend en même temps la nouvelle du départ de Napoléon.
Trés méfiant et ne voulant recevoir des ordres que de l'Empereur, il répond qu'il obéira dans la journée.
Il rassemble tous ses hommes et leur fait un discours émouvant, si émouvant que tout le monde tombe en larmes.
Après quoi, s'emparant du drapeau, il présente une 2ème fois ses hommes à l'étendard, le fait flotter sur le front de ses brave et le détache lentement de sa hampe, le pose sur la table de pierre, le recouvre de poudre à canon et pendant que les tambours battent, il lance un tison enflammé qui réduit en cendres le drapeau.
Ramassant alors les cendres, il les jette dans le tonnelet de la cantinière, puis chacun avançant avec sa timbale, boit ce vin auquel sont mélangées les cendres de l'étendard sacré que ni l'étranger, ni les royalistes ne pourront profaner.
Telle fut la communion militaire qui se déroula le 21 avril 1814 à la Table du Grand Maitre.
Les impératifs de la circulation firent qu'on dût déplacer la Table et qu'elle se trouve maintenant dans la forêt à côté de son emplacement ancien puisqu'elle se trouvait autrefois en plein milieu de la route.